"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

24 septembre 2016

11-Septembre: Barack Obama oppose son veto à des poursuites contre l'Arabie saoudite


Barack Obama et le roi d’Arabie saoudite



Le président américain Barack Obama a opposé vendredi 23 septembre son veto à une loi qui autoriserait les proches des victimes du 11-Septembre à poursuivre l'Arabie saoudite, engageant sur ce dossier sensible un bras de fer périlleux avec le Congrès. Quinze des 19 auteurs des attentats du 11-Septembre étaient des Saoudiens mais l'implication de l'Arabie saoudite, alliée des Etats-Unis, n'a jamais été démontrée.

Tout en exprimant sa "profonde sympathie" pour les victimes et affirmant comprendre leur "désir de justice", le président américain a souligné que cette loi adoptée au Congrès le 10 septembre dernier "aurait un impact néfaste sur la sécurité nationale des Etats-Unis". La Maison Blanche estime que le texte affaiblirait le principe d'immunité qui protège les Etats (et leurs diplomates) de poursuites judiciaires et risque, par un effet boomerang, d'exposer les Etats-Unis à des poursuites devant divers tribunaux à travers le monde.

"Les familles (des victimes) sont scandalisées et très déçues"

Mais les défenseurs du "Justice Against Sponsors of Terrorism Act" insistent sur la nécessité pour les victimes des attentats du 11-Septembre de pouvoir réclamer justice et affirment que l'opposition de l'administration Obama est avant tout liée à la crainte de provoquer la colère de Ryad. "Les familles (des victimes) sont scandalisées et très déçues" par la décision de Barack Obama, a déclaré Terry Strada, dont le mari, Tom, a été tué dans le World Trade Center où il travaillait. Elle a affiché sa détermination à se battre pour que le Congrès se mobilise.

Si les deux tiers des élus se rassemblent derrière le texte, ils pourront surmonter le veto présidentiel et la loi entrera alors en vigueur, ce qui représenterait un cinglant camouflet pour Barack Obama à quelques mois de son départ. Depuis son arrivée au pouvoir en 2009, aucun de ses veto n'a jamais été rejeté.

L'exécutif américain est à la manœuvre sur Capitol Hill, en particulier auprès des représentants démocrates, pour s'assurer que le cap fatidique ne soit pas atteint. L'administration Obama dénonce les petits calculs politiques des élus qui expriment "en privé" des réserves sur les dangers du texte mais votent pour, les yeux rivés sur les élections du 8 novembre (scrutin présidentiel mais aussi renouvellement d'une partie du Congrès).

Clinton a fait savoir qu'elle aurait signé cette loi

Chuck Schumer, sénateur démocrate de New York où la loi a évidemment une résonance particulière, a immédiatement regretté une décision "décevante", prédisant qu'elle serait rapidement rejetée par le Congrès. "Si les Saoudiens n'ont rien fait de mal, ils ne devraient pas craindre cette loi. S'ils sont coupables dans les attentats du 11-Septembre, ils devraient rendre des comptes", a-t-il estimé. "La justice pour ces familles ne devrait pas être jetée aux orties pour des raisons diplomatiques".

Hillary Clinton, qui espère bien l'emporter haut la main face au républicain Donald Trump dans l'Etat de New York dont elle fut sénatrice, a fait savoir par son équipe qu'elle aurait signé cette loi.

Le texte a suscité une levée de boucliers dans les monarchies du Golfe qui ont mis en garde contre "un grave précédent". Ces dernières entretiennent des relations déjà tendues avec l'administration Obama à qui elles reprochent, entre autres, d'avoir réintégré l'Iran, grand rival chiite, dans le jeu diplomatique. En coulisses, Ryad s'active pour empêcher le passage de cette loi.

Des poursuites contres les États-Unis dans d'autres pays

La Maison Blanche assure que son inquiétude ne se limite pas à l'impact que cela pourrait avoir sur sa relation avec la monarchie sunnite "mais avec tous les pays du monde". Et met en avant les inquiétudes de nombre de haut responsables américains des deux bords.

Dans une lettre adressée aux élus, l'ancien ministre de la Défense William Cohen et l'ancien patron de la CIA Michael Morell, ont ainsi souligné combien une telle loi pourrait placer les Etats-Unis dans une position délicate. "Nos soldats, nos diplomates et tous les employés du gouvernement américains travaillant à l'étranger pourraient se retrouver visés par des poursuites judiciaires dans d'autres pays", écrivent-ils.

AFP